Gary Bettman nous disait en conférence de presse hier que le processus d'expansion n'était pas encore complété et que nous aurions davantage de renseignements le 22 juin 2016...
Encore une fois, le commissaire de la LNH est resté stoïque devant les caméras et n'a pas voulu montrer son jeu en matière d'expansion quant au sort qui sera réservé aux villes de Las Vegas et de Québec, les deux villes qui ont posé leur candidature pour joindre les rangs de la meilleure ligue de hockey au monde.
L'extrait ci-dessous est ma traduction adaptée de ce qui s'est vraiment passé en 2011 lorsque les Thrashers d'Atlanta ont déménagé à Winnipeg pour devenir les Jets. Comme vous le verrez, les jeux de coulisse sont une réalité dans la Ligue nationale de hockey (LNH):
Voici ce qui s'est vraiment passé en mai 2011 entre la LNH, Atlanta Spirit Group, et True North Sports and Entertainment. Il s'agit de ma version personnelle des événements que j'ai rassemblés à l'aide de contacts privés, de rapports médiatiques et de ma propre expérience professionnelle. C'est de la spéculation, mais à mon avis, le tout semble vrai.
La richesse de la famille Thomson remonte à plus de 100 ans au Canada, mais les membres de la famille sont réputés, et sont en fait des membres fondateurs du vieil « establishment » canadien de l'Est. Le tout a été confirmé lorsque le patriarche de la famille, Ken a reçu le titre et est devenu membre officiel de la Chambre des lords du parlement britannique en tant que 2e Baron de flotte. C'est l'apogée du pouvoir symbolique dans les halls des vieilles structures du pouvoir anglo-saxon de Toronto et cette nomination a cimenté la position de la famille Thomson comment étant la plus riche au Canada.
Cette situation a bien sûr mené au partenariat actuel entre le fils du défunt Ken Thompson, David, et Mark Chipman, membre d'une autre famille nantie qui a fait sa marque à Winnipeg. Aux dires de tous, David a une affinité particulière pour le Manitoba et Winnipeg, car il a dirigé la Compagnie de la Baie d'Hudson, pour laquelle il a travaillé au Manitoba. Ensemble, ils ont bâti une entreprise de sports et de divertissement rentable qui s'est retrouvée en mai 2011, dans une position pour réaliser une ambition de longue date du groupe, soit ramener le hockey de la LNH à Winnipeg.
La LNH avait déjà donné sa bénédiction à Winnipeg après que True North Sports and Entertainment (le partenariat Thompson/Chipman) ait fait du lobbying couronné de succès auprès du Comité des gouverneurs de la LNH pour obtenir une chance de ramener la LNH à Winnipeg, ville revitalisée depuis le départ des premiers Jets en 1996. Au printemps de 2011, une franchise des Thrashers d'Atlanta en difficulté est devenue disponible pour l'achat et le déménagement.
Maintenant, nous devons nous souvenir des circonstances des négociations. Un marché pour un actif évalué à plusieurs centaines de millions de dollars était négocié sur une période de moins de trois mois. Cette situation n'a pratiquement jamais été vécue dans la plupart des milieux d'affaires, et pour compliquer les choses, le groupe de propriétaires des Thrashers (ASG) comprenait plus d'une demi-douzaine de partenaires, dont l'ensemble devait arriver à un accord malgré leurs propres différences. Heureusement, TNSE avait déjà rédigé des modèles de contrat à la suite d'une situation semblable lors de l'achat raté des Coyotes de Phoenix et la majorité du travail qu'il restait à accomplir concernait les modalités de vente et la diligence raisonnable. Un aspect étrange de la transaction était qu'une partie du prix total demandé par la LNH incluait des frais de déménagement d'environ cinquante millions de dollars. Ces types de frais n'avaient jamais été demandés par le passé et étaient perçus comme une prime pour a) retourner dans un marché qui avait déjà échoué et b) une pénitence pour la mauvaise relation de travail entre ASG et la LNH.
La LNH demandait aussi des frais de déménagement pour d'autres raisons, la plus importante étant qu'elle avait désespérément besoin d'argent. Lors des deux années précédentes, la LNH avait subventionné son équipe à Phoenix après que le propriétaire précédent ait laissé l'équipe faire faillite. Phoenix était un gros marché qu'il ne fallait pas perdre lors de la négociation du prochain contrat de télévision national et la LNH allait tout faire en son pouvoir pour garder un club à Phoenix. Des pertes d'environ 30 millions de dollars par saison s'accumulaient et le Comité des gouverneurs, d'après l'opinion générale, en avait marre de signer des chèques pour une franchise en perdition. La direction de la LNH, mené par Garry Bettman subissait une pression énorme de rembourser les sommes qui avaient été dépensées à Phoenix et l'échappatoire a pris la forme des frais de déménagement prélevés à ASG et à TNSE.
Dernier facteur à envisager : tandis que le début de mai approchait, un calendrier devait être finalisé d'ici le 1er juin, mettant, par conséquent, une échéance ferme aux négociations de vente. Cette échéance a été le fusil que la LNH allait mettre sur la tempe de TSNE dans les jours suivants.
La LNH a ensuite fait quelque chose de stupéfiant au début de mai. Elle a contacté les deux parties qui s'approchaient rapidement d'une entente et elle leur a dit qu'elle voulait plus d'argent. Les chiffres varient selon la source, mais la demande qui a été formulée était que TSNE devait augmenter le montant à payer, ou qu'ASG devait en recevoir moins. Avec une échéance ferme pour une vente dans moins d'un mois, les partenaires d'ASG se disputant toujours sur les sommes tirées de la vente, et un flux continu de fuites qui faisaient augmenter l'anticipation à Winnipeg, la manœuvre sournoise de la ligue visait à mettre de la pression sur les deux parties. Elle n'a pas passé inaperçue à Toronto chez Woodbridge Inc (Thomsons holding co.) .
Thomson était furieux selon les rumeurs. La LNH à Winnipeg était un projet personnel pour lui et même s'il avait adopté une approche pratique, mais discrète, son nom était quand même lié publiquement à l'entente. David Thomson et ses conseillers ont immédiatement identifié la tactique de la LNH pour ce qu'elle était : de l'extorsion. La LNH venait de réveiller le géant endormi.
Le 19 mai, Stephen Brunt, journaliste sportif pour un journal canadien national important rapportait qu'une entente visant à acquérir les Thrashers d'Atlanta avait été conclue par TNSE et que l'équipe déménagerait à Winnipeg. Dans son article, il spéculait qu'une annonce pouvait survenir aussi tôt que le 24 mai. Brunt disait que sa source était haut placée et que la nouvelle avait été confirmée par d'autres. Plusieurs autres sites de nouvelles reprenaient la nouvelle le soir du 19 mai. Les gens célébraient en grand nombre dans les rues de Winnipeg. Un Gary Bettman visiblement fieux était filmé dans les estrades d'une partie de la LNH ce soir-là en lisant sa nouvelle sur son Blackberry. Tout le monde dans le milieu sportif était vraiment convaincu qu'après des mois de spéculation, une équipe s'en venait enfin à Winnipeg. Il n'y avait qu'un problème, l'entente n'était pas conclue. C'était presque fait, mais les nouvelles demandes de la LNH avaient saboté le processus.
Au cours des 48 heures suivantes, Stephen Brunt fit une brève tournée médiatique, défendant ses sources et son histoire, et il fut ensuite affecté à la couverture du soccer en Europe pour étouffer l'histoire. Peu après quelque chose d'incroyable eut lieu, la LNH rapidement laissa tomber sa demande d'argent supplémentaire et commença à faciliter l'accélération de la vente.
La LNH venait de piquer au vif David Thomson et il avait répliqué. L'histoire de Brunt était une fausse preuve qui avait pour but de forcer la LNH dans une position où il était impossible que l'entente échoue. Une masse critique avait été bâtie autour du retour de la LNH à Winnipeg et l'histoire de Brunt avait simplement poussé l'entente au-delà du point de non-retour. Bettman avait été informé que toutes les ressources de Woodbridge Inc. et de ses « amis » seraient mises en œuvre pour garantir le retour de la LNH à Winnipeg pour la saison 2011-21012. Cette déclaration avait une signification importante que Bettman ne pouvait plus ignorer. Woodbridge avait plus qu'assez d'argent pour faire la guerre à la LNH avec ses amis grâce à l'argent de la vieille garde riche et puissante de l'Est du Canada.
Bien sûr, nous savons tous la fin de l'histoire. Mark Chipman jouait le rôle du bon flic tandis que Thomson jouait le rôle du mauvais flic, et une annonce confirmant l'entente conclue le 31 mai a été faite. Tout est bien qui finit bien non? Pas si sûr...
La LNH subventionne toujours les Coyotes de Phoenix et avec un contrat de télévision signé à long terme, la LNH n'a plus le goût de rester là-bas. Les gouverneurs font toujours pression sur la direction de la LNH pour recouvrer leur argent et la liste de propriétaires potentiels de bonne foi commence et finit avec Quebecor. Quebecor veut bien sûr imiter la réussite de Winnipeg et ramener un club de la LNH à Québec. Quebecor veut aussi profiter de ses revenus de diffusion dans ses différents médias dans la Belle Provence. Maintenant que l'hiver progresse, nous savons que la LNH doit avoir une réponse d'ici le printemps et elle a donc commencé le processus d'extorsion de nouveau avec Quebecor.
Je voudrais mettre en garde la LNH, et lui demander de faire des affaires de bonne foi dorénavant. Quebecor en soi et le conglomérat légendaire, de concert avec Bombardier, forment une clique d'entreprises puissantes au Québec qui pourrait avec une portée plus grande que la LNH le soupçonne. Ce serait une honte si Garry Bettman se levait un matin et apprenait que la LNH avait des problèmes avec ses banques...
Nous voilà donc cinq ans plus tard et la LNH compte toujours certaines franchises en difficulté, notamment les Coyotes de Phoenix et les Hurricanes de la Caroline. Or, les Coyotes ne reçoivent plus les subventions alléchantes de la Ville de Glendale et ils se retrouveront sans domicile où jouer après la saison 2016-2017.
Cette échéance concorde exactement avec la fin de la construction du nouvel aréna à Las Vegas, endroit où les Coyotes risquent fort d'aboutir sans chambarder l'alignement des conférences et des divisions dans la LNH.
Dans le cas des Hurricanes, nous savons tous que leur propriétaire, Peter Karmanos, essaie de vendre l'équipe depuis plusieurs années... Négocie-t-il actuellement avec Quebecor dans le but de transférer la franchise en difficulté à Québec dans les prochains mois? Il a nié le tout le mois dernier, mais la situation ressemble étrangement à celle des Thrashers il y a cinq ans... Outre Karmanos, les Hurricanes comptent également plusieurs propriétaires minoritaires qui essaient probablement d'obtenir le plus d'argent possible afin de se départir de la franchise de la Caroline...
Prenez le tout avec un grain de sel, mais le scénario n'est pas tiré par les cheveux quand on y pense bien...
Fred Poulin
Commentaires
Superbe mise au point!
Bombardier a déja été extrêmement puissant, ça c'est sûr, mais la compagnie n'est plus l'ombre d'elle même. Alors je doute grandement qu'elle soit vu comme un géant, qui tire des ficelles lorsqu'elle le veut. Bombardier maintenant, est plus rendu au point de mendier de l'argent, pour réussir a survivre.(Un gros merci a Daniel Johnson en passant, un excellent lobby de Bombardier)
A part ca, j'adore ton texte Fred, vraiment. J'adore particulièrement ta vision de l'affaire -THOMSON- qui aurait coulé de l'info a Brunt. Il y a plusieurs choses qui m'ouvrent l'esprit la dedans, et c'était l'fun a lire.
Merci Fred :)
Va ch!37 Bettman !